Pourquoi je ne me produis (presque) plus en live

On me demande souvent pourquoi on ne me voit plus sur scène que de manière anecdotique. La réponse est simple… et pourtant, elle soulève beaucoup de questions sur la réalité du musicien indépendant aujourd’hui.

Le temps, cet ennemi discret

La première raison, c’est le manque de temps. Entre les projets de création, la production musicale, la vie personnelle et professionnelle, il est de plus en plus difficile de dégager l’énergie, la disponibilité (et l’organisation !) nécessaires pour monter un live, répéter, démarcher les salles et se déplacer. Faire de la musique en studio, c’est une chose ; monter un live, c’en est une autre, qui demande un investissement colossal.

Composer ne paie pas toujours sur scène

Je fais des compositions originales, et c’est là une deuxième difficulté. Les lieux qui programment des artistes en live sont peu nombreux à donner leur chance à des projets qui ne sont pas déjà bien établis, ou qui ne reprennent pas des morceaux connus. Quand on ne rentre pas dans un format “commercial”, il faut souvent ramer en amont pour trouver des dates… parfois pour jouer devant quelques personnes mal installées, sans vrai retour, sans vrai son.

Monter un groupe, un défi presque impossible

Je ne fais pas partie d’un groupe fixe : mes morceaux sont portés en solo. Mais pour les jouer en live avec toute leur richesse, il faut des musiciens. Et là, deux options s’offrent à moi : soit rémunérer des instrumentistes — ce que je ne peux pas me permettre actuellement —, soit trouver des personnes prêtes à collaborer de manière artistique, dans les arrangements et l’interprétation. Ce genre de dynamique est rare et fragile, surtout quand chacun a ses propres projets à gérer. Fédérer un groupe autour d’un projet solo, sans budget, c’est comme monter une pièce de théâtre sans comédiens.

Des conditions souvent décourageantes

Même quand on réussit à monter un set, à trouver un créneau dans un festival ou une soirée, les conditions de jeu sont souvent loin d’être idéales. Régisseurs absents ou incompétents, balances bâclées, retards, imprévus techniques… On se retrouve parfois à jouer dans un contexte tellement chaotique qu’il en devient frustrant, voire humiliant. Sans parler de certains tourneurs peu scrupuleux, qui promettent monts et merveilles et laissent les artistes sur le carreau après des semaines de préparation.

Et quand il n’y a pas encore de public…

Le plus difficile, c’est sans doute de se battre autant pour si peu de visibilité. Quand on débute ou que l’on n’a pas encore un public fidèle, chaque concert ressemble à un pari. Il faut payer ses déplacements, mobiliser son entourage, parfois prendre sur ses économies pour simplement… se faire entendre. Et au final, on se retrouve à se demander : est-ce que ça en vaut vraiment la peine ?

Je ne dis pas que je ne jouerai plus jamais en live. Mais aujourd’hui, je préfère consacrer mon énergie à créer, à enregistrer, à partager ma musique autrement. Peut-être qu’un jour les conditions seront réunies pour revenir sur scène avec plaisir, avec du sens, et dans le respect du travail accompli. En attendant, la musique continue… ailleurs.

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