On parle souvent de « réussite » en musique comme d’un objectif à atteindre, une sorte de sommet où se rencontreraient reconnaissance, visibilité, argent et estime. Mais cette conception est à la fois réductrice et, surtout, inaccessible pour la majorité des artistes.
Un chiffre me hante souvent : chaque jour, ce sont plus de 100 000 nouveaux morceaux qui sortent sur Spotify. Cette statistique, vertigineuse, illustre l’immensité de la création musicale actuelle, mais aussi le fait que l’attention du public est une denrée rare, presque aléatoire. À côté de ça, on se dit parfois qu’avant, c’était “plus simple”, que la musique était moins saturée. Pourtant, rien qu’entre 1750 et 1800, on estime que plus de 15 000 symphonies ont été composées. Combien de ces compositeurs connaît-on aujourd’hui ? Une poignée, à peine.
Ce constat pourrait être décourageant. Mais il peut aussi, paradoxalement, être libérateur.
Il ne s’agit pas de courir après le succès. Il ne s’agit pas d’être “le prochain grand nom”. Il s’agit de continuer. Composer parce qu’on ne peut pas faire autrement. Créer parce que c’est notre façon d’exister, de respirer, de traverser le monde. Comme l’écrivait Rainer Maria Rilke dans Lettres à un jeune poète :
« Entrez en vous-même. Explorez le fond qui vous dit d’écrire : examinez s’il pousse ses racines jusqu’au lieu le plus profond de votre cœur. Et confessez-vous : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ? »
Je me pose souvent la même question : pourrais-je vivre sans faire de musique ? La réponse est non. Et c’est là, je crois, que se trouve mon moteur. Pas dans la promesse d’un succès, mais dans la nécessité de créer, de continuer, même dans le silence, même dans l’ombre. Peut-être que personne n’entendra ces morceaux. Peut-être qu’ils ne traverseront jamais les murs d’un studio ou les limites d’un algorithme. Mais ils auront été faits. Ils existeront. Et moi aussi.
Alors, à toutes celles et ceux qui doutent : continuez. Le succès n’est pas une condition pour créer. Créez, parce que vous ne pouvez pas faire autrement.
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© photo : SeppH