Le triomphe du vide : quand le « putaclic » dicte la norme

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Dans l’écosystème numérique d’aujourd’hui, il est devenu presque impossible d’échapper aux vidéos putaclic — ces contenus qui promettent monts et merveilles dans le titre et la miniature, mais livrent bien souvent une réalité décevante, creuse, voire mensongère. Le simple fait de naviguer sur YouTube, TikTok ou Instagram revient à traverser un champ de sirènes hurlantes : “Il a FAIT ÇA pour 1000€ ?!”, “Ce secret que PERSONNE ne vous dit !”, “J’ai joué cet exercice pendant 30 jours, voici ce qu’il s’est passé…”.

Et si cette tendance devenait toxique non seulement pour les spectateurs, mais aussi pour les créateurs eux-mêmes ?

La culture de la survie à l’algorithme

Pour comprendre le phénomène, il faut d’abord parler de l’algorithme. Les plateformes récompensent l’attention, le temps passé et le taux de clics. Résultat : pour espérer émerger dans un océan de contenus, les créateurs n’ont presque plus le choix. Ils doivent se survendre, exagérer, provoquer, manipuler les attentes pour attirer le clic.

C’est un cercle vicieux : plus tu cries fort, plus tu es entendu — jusqu’à ce que tout le monde crie, et qu’il faille hurler encore plus fort pour sortir du lot.

La fin de la sincérité ?

Le vrai problème, c’est que cette course au sensationnel tue lentement mais sûrement la sincérité. On ne peut plus dire les choses simplement. Un bon contenu, bien expliqué, bien construit ? Il sera ignoré s’il ne promet pas de “changer ta vie en 3 minutes”.

On ne regarde plus une vidéo pour apprendre ou réfléchir, mais pour être choqué, amusé, scandalisé. Et quand l’émotion promise ne vient pas ? On zappe. On passe à la prochaine dopamine artificielle.

Une trahison du lien créateur-public

Le pire, c’est peut-être la perte de confiance. Quand tu cliques sur une vidéo parce que tu t’attends à une révélation incroyable, et qu’au final tu reçois une version fade d’un contenu déjà vu mille fois, tu te sens trahi. Progressivement, on cesse de croire aux titres, aux créateurs, aux plateformes.

Et cette perte de confiance, elle est profonde. Elle abîme ce qui faisait la beauté d’internet à ses débuts : la curiosité sincère, le partage authentique, la passion brute.

Existe-t-il une alternative ?

Heureusement, tous les créateurs ne tombent pas dans le piège. Certains résistent, proposent des vidéos honnêtes, bien titrées, sans fausses promesses. Mais ces voix-là, trop souvent, sont étouffées par la frénésie générale. C’est aux spectateurs, aussi, de choisir ce qu’ils veulent encourager.

En cessant de récompenser les pièges à clics, en valorisant les contenus qui prennent le temps de dire quelque chose de vrai, on peut rééquilibrer le système — au moins un peu.

Les vidéos putaclic sont le symptôme d’un internet malade de sa propre logique : celle de l’attention à tout prix. Elles donnent l’illusion de l’intensité, mais creusent le vide. Il est temps de redonner de la valeur à la simplicité, à la nuance, à la vérité. Parce qu’à force de se survendre, on finit par ne plus rien valoir.

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